Dans l'intimité

RAPPORTS DE TAILLE !


Les araignées femelles sont plus imposantes que les mâles. Un exemple facile à voir dans un jardin est l'Épeire frelon dont la femelle mesure de 10 à 20 mm contre 4 à 9 mm chez le mâle, soit un rapport de 1 à 5. Précision, la mesure de la taille s'entend du devant du céphalothorax à l'extrémité de l'abdomen, les pattes ne sont jamais comprises. Pour bien imager l'extravagance de la nature, il suffit d'appliquer ce rapport à l'espèce humaine, (ici on va compter les membres !), soit pour l'Apollon du quartier qui mesure 1,80 m pour 75 kg sa petite amie de 1,70 m pour 68 kg mesurera (X4)  6,80 m pour 272 kg... Waouh !! Quel couple d'enfer ! Là on comprend la difficulté de passer aux choses sérieuses d'autant plus si la belle se met en tête de mordre son Apollon comme le fait l'Épeire frelon. Chez beaucoup d'espèces la femelle tolère la présence du mâle sur la même toile, chez d'autres la rencontre ne se fait que pour l'accouplement dont la fin signe bien souvent la mise à mort du mâle par la femelle

La reproduction chez les araignées est une fonction compliquée et risquée... pour le mâle. La petitesse du mâle est pénalisante, celui-ci doit faire preuve de prudence pour approcher la femelle, il emploie alors toutes sortes de stratégies: faire vibrer la toile pour avertir, apporter un cadeau (une proie enveloppée dans de la soie pour distraire la femelle, c'est le cas des Frontinellina), répéter approches et retraites, faire des  attouchements pattes contre pattes (Épeire diadème) ou enserrer les pattes de la femelle avec un fil (Malmignatte), ou encore  bloquer ses chélicères avec celles du mâle (Tétragnathes, celui-ci possède des chélicères sur-dimentionnés).

Les acrobaties que le mâle doit réaliser pour pouvoir insérer ses bulbes copulateurs dans l'épigyne de la femelle sont inversement proportionnelles à sa petite taille. Grimper par devant, par derrière, passer par dessous, par les côtés, renverser la femelle sur le côté, ou faire cela avec la femelle suspendue au bout d'un fil !  Deux exemples de tailles:

Épeire frelon, cherchez le mâle !

Thomise replet

 Épeire diadème

Un genêt à gauche avec la femelle sur sa toile, un genêt à droite avec le mâle sur sa toile. Entre les deux arbustes un fil relie les habitants. Le mâle à droite approche la femelle sur ce fil, semble demander le consentement de la femelle par attouchements successifs des tarses munis d'une multitude de soies sensorielles, opération répétée plusieurs fois entrecoupée de vif reculs du mâle.

 Épeire diadème

Puis un entremêlement se produit, rapide, 2 secondes,  le mâle rebrousse chemin à toute vitesse, l'accouplement semble raté.

La tentative sera certainement réitérée. La prudence est de mise pour le mâle.

AU SECOURS MON MARI !

UN COUPLE HARMONIEUX: LARINIOIDES CORNUTUS/SUSPICAX, l’ÉPEIRE DES ROSEAUX/SUSPICAX

On a trop tendance à retenir qu’au moment de l’accouplement ou sa tentative ou à la fin, la femelle d’une araignée mord le mâle pour s’en repaître; Funeste fin de vie pour le géniteur qui s’est dévoué corps et âme à perpétuer l'espèce à l’instar de la Mante religieuse. Heureusement il y a toujours des exceptions comme Frontinellina frutetorum et l’Épeire Larinioides cornutus/suspicax entre autres. Pour cette dernière durant la période nuptiale du printemps ou de l’automne, femelle et mâle vivent en harmonie, sous le même toit qui se présente sous la forme d’une loge de soie tissée à la cime d’herbes comme des graminées. Cette loge sert de refuge pour la journée, la toile de chasse est construite à proximité.

Lors d'une sortie  en Camargue, secteur de Piémanson en bord de route, une multitude de loges d'araignées en sommité de graminées a attiré mon attention.

Tout « baigne » jusqu’au moment où un intrus passe par là : un arachnologue amateur… Et crac ! Voilà que ce curieux se met à déchirer délicatement (tout de même !) la loge de soie pour voir qui se réfugie là dedans. Super ! Voilà que sort une jolie petite femelle Larinioides cornutus/suspicax. Sitôt quelques photos prises de loge intacte à côté, le coin en est clafit, l’amateur revient vers la scène et là, génial ! S’exprime-t-il, voilà qu’un mâle s’approche de la femelle, tous deux se touchant du bout des pattes engagent une conversation à l’aide de leurs milliers de soies sensorielles présentes sur ces membres. Après quelques va-et-vient, de la femelle à la loge, le mâle réfléchit à la situation et se met au bout d’un instant à tirer des fils pour semble-t-il réparer les dégâts. Quelle émotion ! Quel spectacle ! L’Épeire Larinioides cornutus/suspicax serait-t-elle douée de compassion à l’égard de sa moitié ? Et par là de réflexion voire d’intelligence ? Dans un si petit cerveau !

Précision sur l’espèce :

Dans la zone où ont été prises les photos, en Camargue, il peut exister deux espèces de Larinioides : la cornutus et la suspicax avec laquelle il est impossible d’effectuer la distinction si ce n’est par l’observation des parties génitales sous un binoculaire. C’est la raison de la dénomination Larinioides cornutus/suspicax.

Loge de soie

Le mâle en bas à droite arrive

Contact, sollicitation de la femelle ?

Réparation de la loge par le mâle